Smith Smith "Pickpocket"
€8.00 Sold Out
Smith Smith
Collection Pickpocket
Editions Derrière la Salle de Bains
Edition limitée à 50 exemplaires
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Nécessaires intempérances
Smith Smith (aka Frédéric Drouin) est un artiste multipartitas né en 1980. Parrainé par Pierre Mouzat, il rejoint les artistes du collectif Maecene Arts en 2014. Musicien, après ce qu’il nomme « 18 mois de réclusion industrielle », il entame suite à cette expérience un travail photographique à partir des palettes incluses dans la chaîne de fabrication en entreprise. Ses séries Cosmos et Chaos n’ont rien de réaliste et emportent le réel vers une vision impressionniste. Le passage se crée, de l’univers sale (graisses et maculations diverses, etc.) à l’universel des sensations. Etant donné le lieu des prises, l’artiste ne cherche pas à tout dominer au sein de son processus créatif. L’objet est saisi au milieu de son cycle avant de reprendre sa vie d’ustensile mais entretemps la saisie permet des images confondantes.
Désormais, à la photographie fait place le collage– des plus jouissifs et colorés. La technique crée un nouvel espace douteux entre la fiction et le réel, entre créateur et regardeur. L’image devient autant le commentaire du réel que des images elles-mêmes tirées de leurs contextes. Leur portée devient impondérable puisque chacune engage du semblable et du dissemblable, de la critique politique mais aussi de la poésie. Smith Smith confond dans un même ensemble la coquetterie d’une femme et parfois sa piété (les deux n’étant pas incompatibles) et une artillerie guerrière. La juxtaposition et le choc créent une magie. Elle ne cherche pas forcément à résoudre des contradictions mais à les accentuer.
A la place des images du monde se substitue une trame où la violence comme l’utopie ont leur place. Des Schéhérazade tiennent tête aux pharaons du monde et du ciel. L’œuvre défait des coalescences afin de les reconstruire en une sorte de ventriloquie plastique. Ce qui était jusque là glorifié, purifié est scindé par les ciseaux de Smith Smith et la construction de ses rites et mythes où la femme est maîtresse. La conscience des docteurs des religions et des pouvoirs en prend pour son grade.
Dents et lèvres remplacent le souffle et la buée des paroles dites premières. La création grogne plus qu’elle ne respire dans une prolifération intempestive et drôle. Des roses de personne orientent vers une obsolescence du romantisme et du divin. Il y a là épreuves et exorcismes. La seule poésie des images tient lieu et place des pouvoirs. Rien n’est figé, tout s’agite. Pipes ou oiseaux ne le sont plus vraiment. Les mots qu’on met pour qualifier ces éléments ont soudain du mal à influer sur nos représentations. Celles-ci trouvent là un effet magique. Le collage devient une puissance occulte que l’art dit réaliste n’atteindra jamais.
Jean-Paul Gavard-Perret
Smith Smith, Pickpocket, Editions de la Salle de Bains, Rouen, 2015